Colloque scientifique 2009 - Utilisation de l’imagerie cérébrale dans la recherche en éducation

2009-05-12_acfas2009.png

Premier colloque scientifique organisé par Neuroéducation Québec
présenté dans le cadre du 77e congrès de l’ACFAS
Utilisation de l’imagerie cérébrale pour la recherche en éducation
12 mai 2009 - Université d’Ottawa - colloque 507

Description

Depuis l’arrivée de la neuroimagerie, il est possible d’étudier quelles sont les régions cérébrales impliquées dans la réalisation de tâches typiquement scolaires telles que lire, compter et résoudre des problèmes. Puisque nous connaissons de mieux en mieux les fonctions cognitives des différentes régions cérébrales grâce au développement notamment de la neuroscience cognitive, la neuroimagerie permet de mieux comprendre la nature des processus cognitifs impliqués dans la réalisation des tâches que l’on demande aux élèves, de mieux comprendre les causes des difficultés de certains élèves (dyslexie, dyscalculie, trouble de l’attention, etc.) et de diagnostiquer plus rapidement et efficacement les élèves à risque (OCDE, 2007). De plus, elle permet de comparer les effets de différents types d’enseignement sur l’activité cérébrale des élèves.

Cependant, malgré ses avantages et malgré le fait qu’elle soit solidement implantée dans le domaine de la psychologie depuis les années 1990, l’imagerie cérébrale  continue, encore aujourd’hui, à n’être utilisée que de façon marginale dans le domaine de l’éducation. Bien entendu, cette situation s’explique par le fait que la neuroimagerie est encore peu connue en éducation, mais aussi par le fait que l’utilisation de ces nouvelles techniques d’imagerie cérébrale dans la recherche en éducation soulève un certain nombre de difficultés d’ordre théorique et méthodologique. Ce colloque, dont la question centrale est « Pourquoi et comment utiliser l’imagerie cérébrale dans la recherche en éducation? », a pour but d’étudier de quelles façons ces difficultés peuvent être surmontées. Parmi les questions abordées, mentionnons (1) comment transposer les informations cérébrales recueillies en informations utiles pour le domaine de l’éducation?, (2) quelles sont les techniques de neuroimagerie les mieux adaptées à la recherche en éducation et (3) comment  concevoir une tâche de neuroimagerie liée à une problématique scolaire?

Programme

SESSION 1 - FONDEMENTS DE LA NEUROÉDUCATION

Président de séance/animateur : Steve Masson

9h00 

Utilisation de l’imagerie cérébrale dans la recherche en éducation : avantages et défis

Steve Masson, Lorie-Marlène Brault Foisy et Guillaume Cyr (Université du Québec à Montréal)

Depuis le développement de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle au milieu des années 1990, les connaissances sur le fonctionnement du cerveau humain ont beaucoup progressé. Ces nouvelles connaissances, combinées à l’amélioration des techniques d’imagerie cérébrale, ont permis l’avènement d’une nouvelle approche de recherche en éducation - l’approche neuroscientifique (ou neuroéducation) - dont le but est d’étudier certains problèmes éducatifs à un niveau d’analyse jusqu’ici inexploré en éducation: le niveau cérébral. Bien que cette approche présente un intérêt certain pour les chercheurs en éducation (comme le démontrent les nombreuses publications récentes, ainsi que la formation d’associations, de centres de recherche et de programmes de formation dans le domaine de la neuroéducation), elle ne vient pas sans poser un ensemble de difficultés aux niveaux épistémologique, théorique et méthodologique. Cette présentation, qui a pour but d’examiner les avantages et les défis que pose cette nouvelle approche, se veut une introduction à ce colloque portant sur l’utilisation de l’imagerie cérébrale dans la recherche en éducation. On y présente un survol historique des développements du domaine, y définit le concept de neuroéducation et y examine les avantages et les difficultés liés à cette approche.

9h30

Utilisation de l'imagerie cérébrale dans la recherche en éducation: le nécessaire dialogue entre différents niveaux d'analyse

Julien Mercier (Université du Québec à Montréal)

L'approche neuroscientifique de l’éducation propose d'étudier certains problèmes éducatifs à l'aide de différentes techniques d'imagerie cérébrale, à travers des données concernant le fonctionnement neuronal. La distinction entre les niveaux neuronal, cognitif, et social et les interactions intra- et inter-niveaux auxquelles elle donne lieu pour l’étude de l’apprentissage commande une approche intégrée d’acquisition et de traitement de données.  Quel peut être l’apport de la neuroéducation (ancrée au niveau neuronal) sur les pratiques éducatives articulées aux niveaux cognitif et social? De quelle façon l'étude des mécanismes cérébraux peut-elle contribuer à expliquer les phénomènes aux niveaux cognitif et social relativement à l’apprentissage?

Cette présentation vise à montrer comment ce programme de recherche gagnerait à être ancré dans une vision multi-niveaux de la cognition (Newell, 1990) centrée sur l’apprentissage (Anderson, 2002)  mettant en lien l’activité cérébrale, le fonctionnement cognitif et l’interaction sociale (Sun, 2006). Plus spécifiquement, cette vision du modelage cognitif implique des correspondances et des explications causales entre les niveaux (Sun, Coward et Zenzen, 2005). Parallèlement à des considérations méthodologiques, le potentiel et les critiques de cette approche sont aussi discutés. 

SESSION 2 - RECHERCHES EN NEUROÉDUCATION

Président de séance/animateur : Patrice Potvin

10h00

Utilisation de l’imagerie cérébrale dans la recherche en neurodidactique des troubles d’apprentissage en lecture-écriture

Line Laplante, Julien Mercier, Caroline Girard, Mélanie Bédard et Monique Brodeur (Université du Québec à Montréal)

À mesure que les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale se raffinent, les chercheurs peuvent commencer à observer les effets des interventions éducatives sur le fonctionnement cérébral, et à mettre ceux-ci en relation avec l’apprentissage chez l’humain. À cet effet, les recherches récentes en neuroéducation portant sur l’impact de certaines interventions sur les premiers apprentissages de la lecture-écriture, et particulièrement celles relatives aux troubles d’apprentissage qui y sont associés (dyslexie, dysorthographie), constituent un exemple prometteur de la contribution de ce nouveau champ d’expertise à la compréhension des facteurs pédagogiques qui influencent l’apprentissage d’une langue chez l’humain. Au cours de cette communication, les types d’imagerie cérébrale utilisés dans le cadre de recherches portant sur l’enseignement-apprentissage des processus spécifiques de lecture-écriture auprès d’individus présentant une dyslexie développementale seront documentés. Les différentes tâches cognitives auxquelles ont été soumis les participants de ces études seront également présentées. Finalement, les résultats d’études dont les retombées nous apparaissent les plus prometteuses pour le domaine de la neuroéducation, mais spécifiquement pour la didactique spécialisée des troubles de la lecture-écriture, seront discutés.

10h30  - Pause

11h00

Utilisation de l’électroencéphalographie (EEG) dans la recherche en neurodidactique des mathématiques

Stephen R. Campbell (Simon Fraser University)

En prenant appui sur les résultats préliminaires de deux études pilotes, cette présentation discute de l’utilisation et de la pertinence de recourir à l’électroencéphalographie (EEG) pour étudier l’apprentissage des mathématiques et la pensée mathématique. Ces études pilotes cherchent à établir des liens entre la didactique des mathématiques, la psychologie cognitive et la neuroscience cognitive. Du point de vue de la recherche, l’union de ces disciplines est de plus en plus connue sous le nom de neuroscience éducationnelle (« Educational Neuroscience »). Du point de vue de la pratique, la pédagogie qui s’appuie sur les résultats des études effectuées en neuroscience est de plus en plus connue sous le nom de neuropédagogie ou de neuroéducation. Les résultats préliminaires de deux études pilotes sont présentés dans le domaine de ce qui convient d’appeler la neurodidactique des mathématiques (« Mathematics Educational Neuroscience »). Plus précisément, ces deux recherches pilotes portent sur l’étude de la perception des images et du raisonnement en géométrie. Alors que le but principal de cette présentation est de montrer des exemples d’études utilisant l’EEG en neurodidactique des mathématiques, le but principal de cette recherche est d’intégrer et d’obtenir des connaissances plus détaillées sur les modalités mentales, physiologiques et béhaviorales de la cognition géométrique, et de contribuer ainsi à la neuropédagogie et à la neuroéducation.

11h30

Étude neuroscientifique du rôle du doute dans les apprentissages scientifiques qui nécessitent des changements conceptuels

Patrice Potvin, Steve Masson et Martin Riopel (Université du Québec à Montréal)

Depuis quelques années, psychologues et neurologues s’intéressent au « feeling-of-knowing » (FOK) et sur l’indépendance relative qui existe entre ce sentiment et la présence ou non d’un savoir. Un bon exemple de cette indépendance est le sentiment de savoir quelque chose, mais sans pouvoir se le rappeler (« bout de la langue »). Cependant, en éducation, il a été démontré que la question du doute en lien avec la confiance en soi ne sont pas sans rapport avec l’apprentissage. Ceci est peut-être encore plus vrai pour les apprentissages scientifiques nécessitant des changements conceptuels et pour lesquels l’attitude de douter est souvent considérée comme essentielle. Ceci nous a menés, dans nos recherches antérieures, à catégoriser les réponses d’élèves (surestimées, sous-estimées, doute légitime, certitude légitime) et à étudier les migrations d’une catégorie à l’autre. Ces catégories sont reprises ici et associées avec les réponses au niveau cérébral.

L’objectif du projet est donc d’ « identifier les mécanismes cérébraux impliqués dans la réalisation de tâches scientifiques associées avec le « sentiment de connaître » (FOK) ». Les hypothèses portent sur l’activation des cortex cingulaire et préfrontal, régions impliquées respectivement dans la détection de conflits et dans le contrôle. Les résultats obtenus permettront de faire évoluer les connaissances sur les conditions optimales dans lesquelles les changements conceptuels peuvent se réaliser.

12h00 – Dîner

13h30

Utilisation de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans la recherche en neuroadaptation scolaire du trouble déficitaire de l’attention

Hélène Poissant (Université du Québec à Montréal), Adrianna Mendrek, (Université de Montréal), Noureddine Senhadji (Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Unité de neuroimagerie fonctionnelle), Bianca Bier (Université de Montréal) et Fanie-Claude Dumont (Université du Québec à Montréal)

L'autorégulation concerne la connaissance qu'on a de ses propres processus cognitifs. Elle touche à l'évaluation active de ces processus pour servir un but. Nous nous attardons ici à la régulation de la compréhension chez des enfants avec un TDAH. À ce jour, peu de recherches ont porté sur le dysfonctionnement de l'autorégulation chez cette population. Une dysfonction des aires frontales (cortex orbitofrontal et préfrontal dorsolatéral) et des régions du cortex ventromédian et cingulaire antérieur affecterait les fonctions exécutives, expliquant ainsi en partie les difficultés retrouvées dans le TDAH. Ces aires sont associées à l’inhibition, l’attention, la planification et la régulation. L’objectif est de déterminer les parcours d’activation cérébrale des sujets placés en situation d’autorégulation et les liens entre la performance effective d’autorégulation (score de réussite) et l’activité cérébrale.  Neuf enfants avec un TDAH et 21 enfants contrôles ont réalisé une tâche d’autorégulation consistant à identifier les histoires incohérentes parmi 96 histoires racontées à l’aide d’images. Les histoires sont présentées en deux séries selon un paradigme « block design ». Pendant la tâche, l’activité cérébrale des participants est mesurée à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Les premières données comportementales (taux d’erreur et temps de réaction) et d’imagerie cérébrale seront présentées en lien avec nos hypothèses.

14h00

Pensées sociales et neuroéducation

Pierre Pagé (Université Laval), France Gravel (Université du Québec à Rimouski) et Véronique Bilodeau (Université Laval)

La neuroscience du développement sociocognitif est un champ de recherche récent (Mitchell, 2006; Blakemore, 2007) qui soutient notamment que notre pensée n’existe pas de manière isolée, mais plutôt comme une composante corporellement inscrite (cerveau), interagissant constamment dans le théâtre social de la vie (Decety, 2008). Les objets d’étude sont complexes et posent de véritables défis aux chercheurs. Si la nature pluri-dimnesionnelle des cognitions sociales a déjà été mise en évidence (Pagé, 2001), l’exploration des cerveaux en action s’avère maintenant la nouvelle frontière. Empathie, altruisme, jugement moral, émotions, confiance, motivation, croyances, théorie de l’esprit, coopération, résolution conjointe de problèmes, etc. À partir de techniques telles que l’imagerie par résonance magnétique, les chercheurs s’appliquent à mettre en évidence les processus neurobiologiques associés à ces compétences sociales de base. Certaines des avancées empiriques dans ce domaine sont abordées à la lumière d’une perspective critique (Jacob, 2008; Ehrenberg. 2008) face à des neuro-mythes (Geake, 2005) qui se faufilent jusque dans le monde de la classe et qui peuvent se traduire en applications pédagogiques prématurées. Un cadre qui tient compte des préoccupations et des modèles théoriques utilisés en sciences de l’éducation (Goswami, 2005; Hall, 2004; Campbell, 2008), notamment les perspectives neuro-phénoménologiques (Varela, 2001), est proposé pour la recherche en neuroéducation.

SESSION 3 - MÉTHODES DE RECHERCHE EN NEUROÉDUCATION

Président de séance/animateur : Martin Riopel

14h30

Utilisation de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans les recherches impliquant les enfants

Bianca Bier (Université de Montréal), Steve Masson (Université du Québec à Montréal) et Ève-Marie Quintin (Université du Québec à Montréal)

Depuis quelques années, l’imagerie cérébrale est de plus en plus utilisée dans le cadre de la recherche en éducation. Bien que des plus intéressantes puisqu’elle permet notamment d’étudier les causes biologiques de certains problèmes d’apprentissage, telles que la dyslexie et la dyscalculie, l’utilisation de cette technique impose d’importantes contraintes. En effet, pour obtenir des images de l’activité cérébrale, les participants à l’étude doivent être capables de réaliser des tâches cognitives répétitives demandant une attention soutenue dans une position allongée pendant près d’une heure et ce, dans une pièce bruyante où ils se retrouvent seuls et en demeurant complètement immobile durant toute la durée de l’acquisition des images. Ces contraintes peuvent parfois s’avérer difficiles à surmonter lorsque la population étudiée comporte des enfants.  Le but de la présentation est de proposer des moyens permettant de faciliter la collecte des données de neuroimagerie avec une telle population. Pour ce faire, des exemples sont tirés d’un projet de recherche en cours visant à comparer l’activité cérébrale d’élèves atteints du trouble déficitaire de l’attention avec celle d’enfants ne présentant pas ce trouble. L’importance d’adapter le niveau et la durée de la tâche à la population étudiée, de développer une relation de confiance entre l’enfant et l’expérimentateur et de réaliser une séance de simulation préalablement à la collecte des données est soulignée.

15h00

Utilisation de l'imagerie optique dans la recherche en éducation

Martin Riopel, Patrice Potvin et Steve Masson  (Université du Québec à Montréal)

Bien que solidement implantée dans le domaine de la psychologie depuis les années 1990, l’imagerie cérébrale est pourtant peu utilisée dans le domaine de l’éducation. Or, il existe des liens directs entre le cerveau et l’apprentissage et tant les neuroscientifiques que les chercheurs en éducation s’entendent sur l’importance de développer une approche neuroscientifique de recherche en éducation. Parmi les raisons expliquant la faible utilisation de l'imagerie cérébrale en éducation, mentionnons les contraintes des techniques d’imagerie actuellement utilisées. En effet, les techniques d’imagerie habituelles contraignent le sujet à se tenir immobile et en silence, seul, à réagir à des stimulations répétitives et préprogrammées sur un écran. Cette situation a peu en commun avec l’apprentissage tel que vécu dans les écoles ou dans les milieux informels.

Pour éviter ces difficultés, nous présenterons les avantages pour les recherches en éducation d’une nouvelle technique d’imagerie cérébrale qui analyse la diffusion de la lumière transmise vers le cerveau par fibres optiques flexibles et qui autorise désormais des études neuroscientifiques sur l’apprentissage en contexte beaucoup plus authentique. Cette nouvelle technique, la tomographie optique diffuse infrarouge, permet de conserver une certaine liberté de mouvement durant la prise de données et ainsi d’évaluer l’activité cérébrale d’un sujet ou d’un groupe de sujets en interaction entre eux dans un contexte réel.

15h30 – Synthèse

Responsable du colloque

Steve Masson